Atlas Social de la métropole nantaise

Au-delà de la ville attractive

Être agriculteur dans la Métropole nantaise

par Christine Margetic

planche publiée le 27 septembre 2023

Capitale verte de l’Europe en 2013, la métropole nantaise se veut nourricière et agricole, ce que montrent les derniers recensements de la Chambre d’agriculture de Loire-Atlantique et du Ministère de l’agriculture de 2020. Si le nombre d’exploitations ou de chefs d’exploitation diminue comme partout en France, la baisse y est cependant moins marquée. Cette originalité reflète une attractivité pour des porteurs de projets « atypiques » du point de vue des normes dominantes dans la profession agricole, et va dans le sens de l’objectif alimentaire voulu par les collectivités.

1Situé à proximité d’un marché de consommateurs important et en croissance, le monde agricole nantais trouve localement certains débouchés, au travers d’AMAP ou du commerce spécialisé, tout en étant impliqué dans des filières agro-alimentaires conventionnelles d’envergure nationale ou internationale. Cet avantage en termes de débouchés, couplé à une diversité des filières (figure 1) et des acteurs (professionnels, syndicaux…), explique pour partie l’attrait de la métropole pour les agriculteurs en place ou en recherche d’installation.

Figure 1 - Un maillage de terres agricoles sur les franges du territoire métropolitain nantais

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Réalisation : AURAN (2022).

Une dynamique qui porte un autre modèle de développement ?

2281 exploitations agricoles (EA) sont dénombrées sur le territoire de Nantes Métropole en 2020 selon le recensement agricole, pour 394 chefs d’exploitation âgés en moyenne de 49 ans. Même si ces chiffres diminuent depuis 2010, le volume de travail en équivalent temps plein augmente, tant pour les salariés permanents (+ 28 %) que pour les saisonniers et salariés occasionnels (+ 35 %). Une originalité est la présence importante de petites structures, qui renvoie à l’agriculture paysanne, et se traduit par une taille moyenne d’EA inférieure de moitié à celle de Loire-Atlantique, avec 45 hectares (ha) contre 84.

3L’emprise spatiale des espaces productifs se maintient avec près de 15 000 ha (figure 1). Ce maillage agricole aux franges du territoire métropolitain s’avère un atout à la fois en termes de « nature », mais surtout pour répondre à la demande des habitants en approvisionnement local de produits plus ou moins élaborés. Là encore, les modalités de valorisation ont été renforcées sur la période 2010-2020, tant pour la production biologique (25 % des EA, + 176 %) que pour la transformation, avec la création d’ateliers de découpe de viande ou de transformation de fruits et/ou de légumes, le plus souvent par commercialisation en circuits courts (52 % des EA, + 62 %).

Des maraîchers comme voie d’avenir ?

4Un agriculteur en milieu urbain ou périurbain n’est pas nécessairement un maraîcher, même si c’est souvent ainsi qu’on imagine l’activité agricole dans ce type d’espace. Porteuse de renommée pour la métropole, cette activité prend un visage plutôt industriel dans ce qu’on appelle le bassin maraîcher nantais, dont le produit phare est la mâche exportée en Europe. Les maraîchers y sont plutôt des managers, à l’image des neuf producteurs de concombres et de tomates qui ont créé en 1998 la coopérative Océane, un « club » peu évident à intégrer, dont certains cultivent plus de 400 ha dans différents départements.

5À l’inverse, sur des surfaces de l’ordre de 5 à 10 ha seulement, des profils moins productivistes sont en lien avec les habitants par la vente directe de leurs légumes. Cette composante socio-culturelle de l’économie locale est d’ailleurs réactivée par les collectivités, dont Nantes Métropole, qui ambitionne de recréer dix fermes d’ici 2030 avec un autre profil pour les porteurs de projets. Hommes ou femmes, des paysans non-issus du monde agricole s’installent ainsi sur moins de 2 ha à Couëron, Orvault, La Chapelle-sur-Erdre, voire dans des quartiers de Nantes, à l’image d’Olivier Durand, établi aux Sorinières depuis 2003 sur 5 000 m2 (encadré 1). Souvent en reconversion, ils sont autant intéressés par les débouchés qu’offre le bassin de vie nantais que par la vie citadine (loisirs, culture, emploi pour le conjoint, accessibilité). En parallèle, des fermes sont également créées sur les toits d’immeubles, à l’image de la ferme des 5 Ponts située sur l’Île de Nantes.

Encadré 1 – Olivier Durand : typique ou atypique ?
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crédit photo : Christophe Bornet by Kristo
Une micro-ferme bio-intensive, soit 3 000 m2 de terres cultivées dont 2 500 m2 sous serre, pour la production de 70 espèces de légumes, fleurs et aromates pour 400 variétés.

Typique-Atypique ?

Commercialisation à la ferme et auprès de cuisiniers (en direct ou via des grossistes).

Typique-Atypique ?

Multifonctionnalité typique d’une activité agricole urbaine pour garantir la viabilité du modèle. 70 % du chiffre d’affaires provient de la vente de produits agricoles ; 30 % d’activité tiers (formation, consulting en agriculture urbaine).

Atypique ?

3,2 temps plein (6 personnes) : 1 emploi / 1 656 m² cultivés.

Atypique ?

Création du Potager de la Cantine du Voyage à Nantes en 2016,
ainsi que de la microferme de l’abbaye de Fontrevaud.

6En milieu urbain, penser la cohabitation élevages/citadins n’est pas évident. Pour autant, majoritairement, ces derniers aiment voir des vaches ou des moutons pâturer. Les collectivités ne s’y trompent pas, impulsant l’éco-pâturage pour « tondre » les prairies et entretenir les espaces naturels. Encore faut-il trouver des éleveurs intéressés alors qu’ils font face à de nombreuses contraintes : circulation des animaux entre des parcelles parfois éloignées, logement hivernal des animaux, gestion de leur fin de vie…, sachant par ailleurs que les citadins connaissent peu leur intérêt environnemental pour l’entretien des zones humides ou leur rôle en termes de biodiversité domestique. Or, la métropole est la seule en France qui renvoie au nom d’une race de vache ! Depuis 2015, une association d’éleveurs passionnés promeut en effet « la Nantaise », autour de Benoît Rolland (encadré 2). Et la recréation d’une filière est en cours autour du projet de l’Étable nantaise, de jeunes installés la plébiscitant tout comme Nantes Métropole, certaines communes le long de la Loire, ou encore l’entreprise Barjac au MIN.

Encadré 2 – Benoît Roland : un paysan-éleveur qui crée des ponts entre monde de l’élevage
et monde urbain ?
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crédit photo : Benoît Roland
Après des études de science physique, une reconversion l’amène à la Chambre
d’agriculture de Loire-Atlantique pendant quelques années, puis à la reprise
des 160 ha de la ferme des 9 Journaux à Bouguenais en 2008. Autour d’un
projet citoyen de préservation du lien à la ruralité en périphérie urbaine,
les bâtiments du dernier site agricole sont financés par la mairie.

« Passeur » de sa ferme, il met dix années pour constituer un cheptel d’une
soixantaine de vaches de race nantaise. Conscient de l’importance des zones
humides, certaines vont paître à l’île Héron (seul éleveur à observer l’heure
des marées pour rejoindre ses animaux…) ou à la prairie de Mauves.

Nantais, il perçoit les besoins et la vision des urbains ; paysan, il connaît
aussi la vision des agriculteurs traditionnels. Conscient des idées reçues et
des décalages, il crée des ponts,facilite la porosité de ces mondes.
Le projet d’Étable nantaise entre dans cette logique, dont le bâtiment sera
construit au lycée agricole à Saint-Herblain, avec le soutien des collectivités.

7Alors, la pérennité de cette diversité de modèles agricoles est-elle assurée ? Pas forcément, car une exploitation sur trois verra un départ en retraite d’ici dix ans et en majorité, sans repreneur connu, soit un tiers de la surface agricole utilisée. Ce sujet est sur la table, comme le confirme la validation politique du projet alimentaire territorial en 2015, ou le Grand marché en clôture du Voyage à Nantes qui donne à voir les agriculteurs de la métropole, les intégrant dans le storytelling construit par les pouvoirs publics.

Pour citer ce document

Christine Margetic, 2023 : « Être agriculteur dans la Métropole nantaise », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 27/09/2023, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=918, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.918.

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Bibliographie

AURAN, « Nantes Métropole : une agriculture préservée, de nouveaux modèles à conforter », Les synthèses de l’AURAN, n° 81, 2022. https://www.auran.org/nantes-metropole-une-agriculture-preservee-de-nouveaux-modeles-a-conforter/

Bories O., Eychenne C., Chaynes C., « Des troupeaux dans la ville. Représentations et acceptation sociales d’une démarche d’éco-pâturage dans la première couronne toulousaine (Cugnaux) »Openfield,2017. https://www.revue-openfield.net/2016/07/12/des-troupeaux-dans-la-ville/ .

Jousseaume V., Margetic C., « Autre légume, autres lieux. La mâche dans le bassin maraîcher nantais », Méditerranée, n° 109, 2007, p. 47-54. DOI : 10.4000/mediterranee.84

Lagard M., « Peut-on manger les jardiniers ? Les paradoxes de l’écopâturage urbain : le cas de Nantes », Études Rurales, n° 207, 2021, p. 168-189. DOI :10.4000/etudesrurales.25430

Margetic C., « De futures exploitations agricoles dans Nantes » in Guizard F., Rouget N., (dir.), Terra Mater, nourricière et convoitée, Presses Universitaires du Septentrion, 2023.

Index géographique

Résumé

Capitale verte de l’Europe en 2013, la métropole nantaise se veut nourricière et agricole, ce que montrent les derniers recensements de la Chambre d’agriculture de Loire-Atlantique et du Ministère de l’agriculture de 2020. Si le nombre d’exploitations ou de chefs d’exploitation diminue comme partout en France, la baisse y est cependant moins marquée. Cette originalité reflète une attractivité pour des porteurs de projets « atypiques » du point de vue des normes dominantes dans la profession agricole, et va dans le sens de l’objectif alimentaire voulu par les collectivités.

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