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Pour tourner la page de l’industrie, Nantes a fait le pari de la culture dès les années 1990. Initiée par quelques acteurs majeurs comme Jean-Marc Ayrault et Jean Blaise, cette stratégie a accéléré le changement d’image de la ville et contribué à en faire la métropole attractive qu’elle est devenue. Des Allumées au Voyage à Nantes jusqu’au projet de l’Arbre aux Hérons, la ville se distingue par la continuité et l’ampleur de sa politique mobilisant l’art et la culture comme leviers du développement touristique, et plus largement de la transformation urbaine.
Tourner la page de l’industrie grâce à la culture
1En 1987, la fermeture des chantiers navals de Nantes marque la fin d’une longue histoire industrielle et symbolise la situation difficile dans laquelle se trouve la ville : friches urbaines, disparition d’activités économiques, image négative, etc. C’est pour rompre avec cette image et redynamiser le territoire que l’équipe municipale élue en 1989 a placé la culture, conçue comme un axe décloisonnant des politiques urbaines, économiques et sociales, au cœur de sa stratégie et de la fabrique de la ville. Le déploiement de cette stratégie s’appuie sur un réseau restreint composé de politiques, d’aménageurs et d’acteurs culturels tels que Jean-Marc Ayrault (maire de 1989 à 2012), Laurent Théry (directeur de la SAMOA, société d’aménagement de l’île de Nantes, de 2004 à 2010), Jean Blaise (créateur des Allumées et d’Estuaire, actuellement directeur du Voyage à Nantes), Pierre Orefice et François Delaroziere (anciens membres de Royal de Luxe et coauteurs des Machines de l’île). Les premières actions apparaissent dès le tournant des années 1990 avec l’organisation du festival les Allumées et l’accueil de la compagnie Royal de Luxe, auteure notamment de la saga des Géants.
L’île de Nantes comme laboratoire
2La stratégie visant à utiliser la culture comme levier du renouveau de la ville s’est cristallisée sur un territoire en particulier : l’île de Nantes. C’est là que le Quartier de la Création piloté par la SAMOA a été installé pour regrouper les acteurs, institutions et lieux culturels ou créatifs. C’est également là qu’ont été implantées les Machines de l’île (photo 1), qui constituent un équipement culturel et touristique emblématique de la ville et participent à créer une nouvelle image et de nouveaux usages de l’espace avec une fréquentation touristique (1,3 million de visiteurs de 2018 à 2019).
Photo 1 - L’éléphant des Machines de l’île, un symbole de l’image culturelle et touristique de Nantes
Crédit photo : Basile Michel, 2015
Le Voyage à Nantes : pour une ville culturelle et touristique
3Cette stratégie politique atteint son paroxysme avec Le Voyage à Nantes (VAN) au travers duquel les projets touristique et culturel ne font plus qu’un. Cette Société Publique Locale (SPL), créée en 2011 afin de fusionner différents services des mondes de la culture et du tourisme au sein d’une unique structure, est chargée de promouvoir la destination touristique Nantes Métropole sur la base de son offre culturelle. L’objectif est de faire de Nantes une destination touristique importante et d’accroitre ainsi son essor économique en se positionnant comme une ville d’art et de culture. Le VAN a englobé l’office de tourisme nantais, des équipements culturels phares tels que le Château des ducs de Bretagne et les Machines de l’île, ainsi que la collection d’œuvres héritée de la biennale d’art contemporain Estuaire. Il produit également l’évènement éponyme chaque été qui prend la forme d’un parcours urbain parsemé d’œuvres d’art installées dans l’espace public et divers lieux (photo 2), dessinant une géographie artistique et touristique évolutive, centrée sur le cœur de Nantes (figure 1), et mettant en scène l’encastrement de l’art dans le territoire nantais.
Figure 1 - Un été du Voyage à Nantes. Principaux lieux fréquentés en 2018 (du 30 juin au 26 août)
Photo 2 - Les Anneaux de Buren : une œuvre pérenne d’Estuaire intégrée dans le Voyage à Nantes
Crédit photo : Basile Michel, 2015
Continuité et enjeux du pari de la culture
4La stratégie politique menée à Nantes visant à placer la culture au cœur de la fabrique urbaine et du développement touristique se poursuit depuis 30 ans. Elle constitue à la fois une des spécificités du territoire nantais par sa continuité et son ampleur, et un des moteurs principaux du renouveau de la ville au niveau urbain, touristique, culturel et donc d’attractivité. Elle se poursuit aujourd’hui, notamment au travers du projet de l’Arbre aux Hérons porté par les Machines de l’île. Ce projet prévoit l’implantation dans la carrière Miséry d’un arbre géant peuplé d’une faune mécanique. Il s’inscrit dans la transformation du Bas Chantenay et vise à créer une nouvelle attraction culturelle et touristique. Outre son coût et la concentration des subventions sur les Machines de l’île et le VAN pointés par des élus de l’opposition, l’Arbre aux Hérons soulève la question de la façon dont est considérée la culture dans la stratégie politique nantaise : est-elle davantage un outil touristique et marketing au service de l’attractivité de la ville qu’un vecteur d’émancipation culturelle pour l’ensemble des habitants ? L’ouverture aux Nantais du VAN et des Machines de l’île au travers de la gratuité partielle et de l’irruption de l’art dans l’espace public (parfois sous forme d’équipements sportifs dessinés par des artistes) montre que la culture n’est pas qu’une affaire de tourisme et d’image, mais bien aussi de sociabilité, d’émancipation et d’appropriation par les habitants.
5Cette attractivité croissante de Nantes engendre toutefois certains effets qu’il demeure essentiel d’interroger : cohabitation des touristes et des habitants, augmentation des prix de l’immobilier et régulation des locations saisonnières sur les plateformes comme Airbnb constituent autant d’enjeux qui traversent la métropole nantaise aujourd’hui, certains des effets des politiques d’attractivité ayant d’ailleurs été au cœur du scrutin municipal nantais de 2020.
Pour citer ce document
Basile Michel, 2020 : « Pour une ville culturelle et touristique : retour sur une stratégie nantaise », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 09/06/2020, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=450, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.450.
Autres planches in : Se cultiver et se divertir
Bibliographie
Gangloff E., Quand la scénographie devient urbaine. Nantes comme observatoire des fonctions du scénographe dans la fabrique de la ville, thèse de doctorat en aménagement du territoire et urbanisme, Université d’Angers, 2017.
Grandet M., Pajot S., Sagot-Duvauroux D. et Guibert G., Nantes, la Belle éveillée, le pari de la culture, Toulouse, Éditions de l’Attribut, 2010.
Guidet T. et Plassart M., Nantes saisie par la culture, Paris, Autrement, 2007.
Guiu C. et Wambergue Z., « « Voyage à Nantes » : l’art pour déployer l’urbanité ? », Géographie et cultures, n° 84, 2012, p. 141-144. http://journals.openedition.org/gc/2537
Michel B., Les quartiers créatifs : une dynamique de club. Analyse croisée des quartiers des Olivettes (Nantes), du Panier (Marseille) et Berriat (Grenoble), thèse de doctorat en géographie, Université d’Angers, 2017.
Morice J-R. et Violier P., « De l’événementiel culturel à la destination touristique : les cas de Lille et Nantes », Bulletin de l’Association de géographes français, n° 3, 2009, p. 377-387. DOI :10.3406/bagf.2009.2682
Nicolas A., « Le projet urbain nantais : une mise à l’épreuve du modèle Bilbao ». Métropolitiques, 2014, http://www.metropolitiques.eu/Le-projet-urbain-nantais-une-mise.html
Sagot-Duvauroux D., « La valeur vaporeuse de l’art et les nouvelles dynamiques territoriales », Études théâtrales, vol. 67, n° 2, 2017, p. 179-188.
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Résumé
Pour tourner la page de l’industrie, Nantes a fait le pari de la culture dès les années 1990. Initiée par quelques acteurs majeurs comme Jean-Marc Ayrault et Jean Blaise, cette stratégie a accéléré le changement d’image de la ville et contribué à en faire la métropole attractive qu’elle est devenue. Des Allumées au Voyage à Nantes jusqu’au projet de l’Arbre aux Hérons, la ville se distingue par la continuité et l’ampleur de sa politique mobilisant l’art et la culture comme leviers du développement touristique, et plus largement de la transformation urbaine.
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