Atlas Social de la métropole nantaise

Au-delà de la ville attractive

Le troisième déménagement de l’histoire du Marché d’intérêt national de Nantes (MIN)

par Pierre Guillemin et Christine Margetic

planche publiée le 18 juin 2020

Le transfert du MIN, qui accueille notamment une centaine de grossistes en fruits et légumes, sur le Parc Océane Nord de Rezé a fait grand bruit dans la presse entre 2018 et 2019. Les causes de ce transfert sont multiples, à commencer par la fin (en 2030) de la concession accordée à la société d’économie mixte Loire Océan Développement et des activités portuaires quai Wilson, le déplacement des terminaux fruitiers à Saint-Nazaire, et surtout la pression foncière sur l’île de Nantes. Quels seront les atouts du nouveau site dans le contexte actuel d’affirmation d’un projet alimentaire territorial nantais ?

Du champ de Mars à Rezé

1Évoquer l’histoire du MIN oblige à remonter à 1903, date à laquelle le marché aux légumes de la place de la Duchesse-Anne part avenue Carnot dans un bâtiment en bois où se côtoient maraîchers, négociants et particuliers (fig. 1). Lieu de commerce très actif, une structure en béton conforte en 1938 ce qui est devient le marché de gros aux légumes et aux fruits, qui abrite aussi la poissonnerie municipale.

Figure 1 - Le MIN de Nantes, le glissement de localisations intra-urbaines à un positionnement en périphérie de la ville

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2Aussi dénommé marché-gare, il acquiert le statut de Marché d’intérêt national en août 1965. Comme pour les autres MIN créés à partir de 1953, l’objectif est de mieux concentrer l’offre et la demande pour favoriser les échanges, ce qui s’avère impensable sur un site mal desservi et saturé. Alors que la perspective d’une telle délocalisation a suscité – comme toujours – craintes et enthousiasme à l’époque, il migre vers l’île de Nantes en 1969 pour s’installer sur un site de 16 hectares à la jonction d’infrastructures logistiques (routes, chemin de fer, port). Pour conforter la seconde place nationale après Rungis qu’il occupe depuis 1975, 4 hectares supplémentaires sont alloués par la Ville en 1985, puis ses activités se diversifient avec la création d’un marché aux fleurs (Océane Fleurs) en 1989 et d’une mûrisserie de bananes des Antilles en 1992. Au final, les surfaces couvertes passent de 6 à 10 hectares. C’est une ville dans la ville : 800 à 1 000 emplois sont répartis dans plus de 100 entreprises en 2017, dont près de 40 producteurs locaux, au profit de quelques 3 500 acheteurs qui le fréquentent quotidiennement, pour un chiffre d’affaires annuel de 428 millions d’euros (fig. 2).

Figure 2 - Le MIN de Nantes, second derrière le MIN de Rungis pour le chiffre d'affaires

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3Dans un contexte de chaise musicale, le MIN quitte l’île de Nantes en février 2019 pour laisser la place au futur CHU (fig. 1). Une page se tourne avec cette nouvelle localisation : la proximité du périphérique traduit la prééminence des flux routiers dans les échanges et l’abandon du réseau ferré et portuaire. En rejoignant Rezé et le sud-Loire, il se rapproche aussi des producteurs locaux et du bassin maraîcher nantais, et y ouvre des perspectives d’emplois et en termes de clientèle. Les acheteurs traditionnels, à savoir les commerçants et restaurateurs du centre-ville, dont les activités sont concentrées dans le centre, sont par contre perdants par rapport à la proximité géographique offerte par le MIN d’origine.

Le MIN intégré à Nantes Agropolia

4Après obtention du permis de construire en octobre 2016 et la pose de la première pierre en mars 2017, les aménagements réalisés sont colossaux, pour un coût de 156 millions d’euros hors infrastructures routières. Le projet s’étend sur près de 20 hectares, dont 7 dotés de bâtiments, comprend des dizaines de quais d’embarquement, et transition énergétique oblige, 31 000 m2 de panneaux photovoltaïques en toiture, la plus puissante installation du Grand Ouest (fig. 3).

Figure 3 - Le MIN de Nantes, au coeur du pôle Nantes Agropolia

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5Mais on ne peut comprendre les enjeux du nouveau site sans le replacer dans la structuration du pôle agro-alimentaire métropolitain Nantes Agropolia, et plus largement d’un écosystème d’innovation agro-alimentaire pensé à l’échelle du Grand Ouest, en association avec le site de la Géraudière et son Technocampus Alimentation en nord Loire (fig. 1). Il contribue ainsi à l’affirmation d’une polarité économique et logistique, avec une réelle concentration spatiale des flux ; mais les retombées sont aussi environnementales, grâce à la mutualisation du dernier kilomètre. Au final, il participe du rayonnement et de l’attractivité de la métropole sur la scène nationale et parfois internationale.

6Occupant un tiers environ des 55 hectares du pôle Nantes Agropolia, les activités du MIN sont recentrées sur le commerce de gros et le carreau des producteurs, alors que les mareyeurs et les transporteurs sont positionnés sur des emplacements réservés à la logistique. Afin d’impulser des synergies et une dynamique de filière, sur les autres parcelles de Nantes Agropolis sont attendues 200 entreprises de production, de transformation et de services agroalimentaires.

Le MIN à Rezé, un choix politique conforté par les acteurs professionnels

7Ce projet majeur pour l’avenir et le développement du territoire métropolitain 2015-2030 a bénéficié de la manne financière de Nantes Métropole (90 % du total), et de l’implication de plusieurs élus : les vice-présidents chargés du développement économique des territoires (maire de Rezé), de l’agriculture urbaine (Saint-Aignan de Grand Lieu) et de l’urbanisme (Saint-Jean-de-Boiseau). Parmi les parties prenantes, outre les Chambres de commerce et d’agriculture, on trouve la SEMMINN, société d’économie mixte gestionnaire et exploitante, et trois associations d’opérateurs : MIN’Avenir, créée spécifiquement en amont du projet, remplacée depuis l’ouverture par l’ACMINN, Association des Concessionnaires, acteur historique et interlocuteur unique, et le syndicat des producteurs vendeurs.

8Symbole d’une alliance entre territoires urbains et ruraux, le MIN constitue un maillon fort du projet alimentaire territorial adopté lors du conseil métropolitain d’octobre 2018. Et les 15 000 personnes présentes en avril 2019 pour le « Jour de Fête au nouveau MIN » (photo 1) ou ceux qui ont profité de circuits courts proposés lors du confinement du printemps 2020 ne démentiront pas l’intérêt croissant des habitants pour une alimentation locale et de qualité.

Photo 1 - Jour de fête au nouveau MIN : un panneau informatif à l’entrée du grand hall

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Crédit photo : Christine Margetic, avril 2019

Pour citer ce document

Pierre Guillemin et Christine Margetic, 2020 : « Le troisième déménagement de l’histoire du Marché d’intérêt national de Nantes (MIN) », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 18/06/2020, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=453, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.453.

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Bibliographie

Branchereau J.-P., 2013, « Marché d’intérêt national », Croix A. (dir.), Dictionnaire de Nantes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 634.

Corbou P., Mouchet J.-P., Le Min, le ventre de Nantes, Saint-Sébastien-sur-Loire, éd.s d’Orbestier, 2017.

Dablanc L. et Frémont A. (dir.), 2015, La métropole logistique. Le transport de marchandises et le territoire des grandes villes, Armand Colin, Paris, 316 p.

Raimbault N., 2015, « Perdants et gagnants du développement logistique de la métropole : quelle géographie de la domination ? », in Clerval A. et al. (dir), Espace et rapports de domination, PUR, Rennes, pp. 141-152

Pierre Guillemin

Doctorant en géographie, Université de Caen Normandie – UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Pierre Guillemin

Résumé

Le transfert du MIN, qui accueille notamment une centaine de grossistes en fruits et légumes, sur le Parc Océane Nord de Rezé a fait grand bruit dans la presse entre 2018 et 2019. Les causes de ce transfert sont multiples, à commencer par la fin (en 2030) de la concession accordée à la société d’économie mixte Loire Océan Développement et des activités portuaires quai Wilson, le déplacement des terminaux fruitiers à Saint-Nazaire, et surtout la pression foncière sur l’île de Nantes. Quels seront les atouts du nouveau site dans le contexte actuel d’affirmation d’un projet alimentaire territorial nantais ?

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