Atlas Social de la métropole nantaise

Au-delà de la ville attractive

Acheter bio et/ou local dans les commerces alimentaires de détail : pas si facile dans l’aire urbaine de Nantes !

par Christine Margetic, Louise de La Haye Saint Hilaire et Maxime Marie

planche publiée le 30 novembre 2020

Dans l’aire urbaine de Nantes, la répartition géographique des commerces alimentaires spécialisés (boucheries-charcuteries, crèmeries-fromageries, primeurs, et plus à la marge épiceries fines) s’avère très inégale, avec une forte concentration de l’offre dans la ville-centre de Nantes, voire dans les quartiers aisés pour certaines spécialités. Cette analyse interroge également les stratégies d’approvisionnement de ces commerces et leurs liens avec le monde agricole de proximité.

Remerciements

Le travail de recherche a été mené dans le cadre du projet FRUGAL (Formes urbaines et gouvernance alimentaire) du programme PSDR 4 (Pour et sur le développement régional).

1Le commerce alimentaire de détail spécialisé, lié à la commercialisation de produits en petite quantité voire à l’unité, est le témoin de cultures propres à un territoire et à son évolution. De manière générale, les acheteurs lui associent des attributs de qualité et d’authenticité, en réponse à des attentes croissantes de reterritorialisation du fait alimentaire dans la population.

Des campagnes peu dotées en commerces alimentaires de détail

2 L’analyse simultanée de plusieurs sources de données s’avère nécessaire pour parvenir à l’élaboration d’une base de données fiable des commerces alimentaires de détail spécialisé dans l’aire urbaine de Nantes : croisement des données de la base SIRENE de l’Insee d’avril 2018 avec les informations tirées de la fonction Streetview de Google Maps , exploration des sites Web société.com (service d’information sur les entreprises) et pagesjaunes.fr, enfin analyse de réseaux sociaux. Au total, l’analyse combinée de ces différentes sources a permis de recenser puis de cartographier 1 033 commerces alimentaires (figure 1a).

Figure 1 : Peu de commerces alimentaires de détail dans le périurbain nantais

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3 Leur concentration dans le pôle urbain est nette, en particulier dans la ville-centre de Nantes, puis dans un rayon de 30 ou 40 kilomètres autour de la ville-centre. Pour autant, les lieux d’implantation varient selon les types d’activité. À la répartition des boucheries-charcuteries sur la totalité de l’aire urbaine (figure 1b) répond la présence exclusive des crèmeries-fromageries sur le territoire métropolitain (figure 1c). Ces implantations souvent récentes sont le fait de personnes plutôt jeunes et extérieures à la profession qui mettent en scène une authenticité dans leur magasin (origine des produits, mobilier en bois, etc.) (photo 1). Ils privilégient les quartiers les plus aisés , comme Bretagne ou Guist’hau dans la ville-centre (photo 2).

Photos 1 à 4

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4Quant aux primeurs (figure 1d) et aux épiceries fines (figure 1e), ils offrent un profil intermédiaire en termes de logiques d’implantation géographique. En-dehors du périmètre de Nantes Métropole où ils sont majoritaires, ils s’installent aussi dans les centralités secondaires du périurbain qui comptent autour de 10 000 habitants, comme Vallet, Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, Blain ou Nort-sur-Erdre. Seule exception notoire, la commune rurale de Saint-Mars-du-Désert, où un magasin de primeur a été ouvert sur une exploitation agricole.

L’approvisionnement des commerces alimentaires de détail : l’enjeu du bio et du local

5A partir d’enquêtes menées auprès de 73 commerces alimentaires de détail dans 18 communes de l’aire urbaine nantaise en 2018, on observe une intégration variable des nouvelles attentes alimentaires, notamment pour les produits biologiques et locaux.

6 Les commerçants de primeurs s’approvisionnent majoritairement au MIN de Nantes , pour partie sur le carreau des producteurs locaux, en raison du caractère périssable des fruits et légumes et de leur renouvellement quasi quotidien dans le magasin. Tant pour les produits conventionnels que biologiques, leur stratégie oscille entre privilégier des approvisionnements locaux et/ou une démarche sans critère spatial spécifique, les grossistes du MIN proposant indifféremment des produits venant d’Europe voire du monde. Cette logique prévaut aussi pour les épiceries fines.

7Chez les crémiers-fromagers, deux profils coexistent. Regroupant la moitié des professionnels, le premier est caractérisé par un approvisionnement majeur auprès d’un unique grossiste (50 à 80 % de la gamme), souvent à rayonnement national. Peu enracinés dans leur territoire, ils tentent avant tout de capter une clientèle citadine aisée et travaillent avec les deux acteurs de la commercialisation de gros en produits fromagers : Comtal (Le Bignon au sud-sud-est de Nantes) et Team Ouest (Noyal-sur-Vilaine, proche de Rennes). À l’inverse, le second profil part à la recherche de producteurs dans l’ensemble des régions fromagères à l’échelle nationale, et noue des rapports individuels avec ses fournisseurs (producteur, affineur et grossiste).

8Majoritairement, chez les bouchers-charcutiers, le choix des fournisseurs tient à la diversité de la gamme et au rapport qualité/prix des produits proposés. L’échelle locale (c’est-à-dire départementale) est avant tout privilégiée pour des besoins spécifiques (volailles ou race particulière par exemple) (photo 3).

9Et les produits biologiques dans tout ça ? À ce sujet, le positionnement des commerçants est très variable. Dans chacun des métiers peuvent être repérées des démarches labellisées bio (photo 4), mais elles ne sont pas majoritaires. Ce sont plutôt les stratégies économiques qui prédominent, les commerçants comme leurs fournisseurs étant plus ou moins réceptifs aux attentes des consommateurs en termes de produits différenciés. Les liens entre les mondes de la production biologique et de la distribution sont encore à conforter, et à replacer dans les démarches actuelles d’intégration de l’alimentation dans les politiques publiques locales.

Pour citer ce document

Christine Margetic, Louise de La Haye Saint Hilaire et Maxime Marie, 2020 : « Acheter bio et/ou local dans les commerces alimentaires de détail : pas si facile dans l’aire urbaine de Nantes ! », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 30/11/2020, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=484, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.484.

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Bibliographie

Baritaux V., Billion C., « Rôle et place des détaillants et grossistes indépendants dans la relocalisation des systèmes alimentaires : perspectives de recherche », Revue de l’organisation responsable , vol. 1, 2018, p. 1-11. DOI:10.3917/ror.131.0017

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Desse R.-P. et al. (dir.), Dictionnaire du commerce et de l’aménagement , Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.

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Margetic C. et al. , « Un commerce alimentaire de détail aux liens tenus au territoire dans l’aire urbaine de Nantes », Géocarrefour , 93/3, 2019. DOI:10.4000/geocarrefour.13813

Index géographique

Glossaire

Louise de La Haye Saint Hilaire

Doctorante en géographie, UR Aster et UMR Sadapt, Institut national de la recherche agronomique (INRAE)

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Louise de La Haye Saint Hilaire

Maxime Marie

Maître de conférences en géographie, Université de Caen Normandie, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Maxime Marie

Résumé

Dans l’aire urbaine de Nantes, la répartition géographique des commerces alimentaires spécialisés (boucheries-charcuteries, crèmeries-fromageries, primeurs, et plus à la marge épiceries fines) s’avère très inégale, avec une forte concentration de l’offre dans la ville-centre de Nantes, voire dans les quartiers aisés pour certaines spécialités. Cette analyse interroge également les stratégies d’approvisionnement de ces commerces et leurs liens avec le monde agricole de proximité.

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