Atlas Social de la métropole nantaise

Au-delà de la ville attractive

Le périurbain, l’espace des couples avec enfants

par François Madoré

planche publiée le 18 mars 2020

L’une des conséquences majeures de la périurbanisation, qui recompose les espaces proches des villes françaises depuis la décennie 1970, est l’accentuation des spécificités sociodémographiques des différents territoires constitutifs des aires urbaines. Le périurbain se singularise ainsi avant tout par la surreprésentation marquée des couples avec enfants, qui renvoie à l’archétype du ménage s’installant dans une maison individuelle pour y accéder à la propriété, souvent dans un lotissement pavillonnaire.

Les familles avec enfants, principal marqueur social du périurbain

1La France connaît, depuis les années 1970, une dynamique de croissance urbaine centrifuge qui segmente fortement les espaces urbains et périurbains d’un point de vue sociodémographique, donnant aux couronnes périurbaines une coloration très familiale. Dans la couronne périurbaine nantaise en 2016, les couples avec enfant(s) de moins de 25 ans représentent ainsi 38 % des ménages, contre 22 % dans le pôle urbain (figure 1). Cette surreprésentation est surtout nette pour les couples ayant au moins deux enfants, qui sont quasiment deux fois plus nombreux (26 % contre 14 %). Les couples sans enfants sont également mieux représentés dans le périurbain : 31 % contre 25 %.

Figure 1 - Forte surreprésentation de couples ayant au moins deux enfants dans le périurbain

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2Un peu plus des deux tiers des ménages de la couronne périurbaine nantaise en 2016 sont donc des couples, plus de la moitié de ceux-ci ayant au moins un enfant de moins de 25 ans, alors que la proportion de couples n’atteint pas la moitié dans le pôle urbain, et une petite majorité d’entre eux sont sans enfant. Autrement dit, dans une société française où la proportion de couples dans la structure des ménages ne cesse de diminuer depuis un demi-siècle, au profit principalement des personnes seules, les territoires périurbains se singularisent en accueillant préférentiellement des familles constituées de couples avec enfants.

3Cette spécificité du périurbain est généralisée peu ou prou à l’ensemble des communes de la couronne nantaise, alors que dans la ville-centre de Nantes, 16 % seulement des ménages sont constitués de couples avec enfant(s), et cette valeur pourtant bien faible au regard du périurbain (38 %) n’est même pas atteinte dans 40 % des IRIS, quasiment tous ceux du centre et du péricentre (figure 2). En revanche, quelques IRIS, peu nombreux et situés sur le pourtour de la ville-centre, principalement au nord et à l’est, présentent des valeurs plus élevées (entre 30 % et 35 %). Quant aux communes de banlieue, avec 28 % de couples avec enfant(s), elles se situent en position intermédiaire entre ville-centre et couronne périurbaine, et quelques rares quartiers d’urbanisation assez récente atteignent des valeurs élevées : dans douze d’entre eux, dispersés dans huit communes différentes, plus de la moitié des ménages sont en effet des couples avec enfant(s).

Figure 2 - Beaucoup de couples avec enfants dans le périurbain, très peu dans les quartiers centraux et péricentraux de Nantes

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Constitution de la famille et accession à la propriété d’une maison dans le périurbain

4Cette nette surreprésentation des couples, notamment avec deux enfants et plus, parmi les ménages du périurbain, est fortement liée à la structure du parc immobilier. Le périurbain est, par excellence, le territoire support de l’accession à la propriété en maison individuelle. Dans la couronne périurbaine nantaise, en 2016, 93 % du parc de résidences principales est ainsi composé de maisons (43 % dans le pôle urbain) et ces résidences sont habitées à hauteur de 78 % par leur propriétaire (52 % dans le pôle). Or, le passage du statut de locataire à celui de propriétaire est d’abord un projet de couple. Selon l’enquête logement 2013, en France, 74 % des couples sans enfant (mais qui pour beaucoup ont eu des enfants) et 66 % avec enfant(s) sont propriétaires de leur résidence principale, contre 45 % de personnes seules et 31 % de familles monoparentales. L’accession à la propriété est donc très liée à l’évolution du cycle familial, par un processus conjoint d’adaptation de la taille du logement et de la famille. Cela traduit le souhait de posséder un plus grand logement lorsque la famille s’agrandit, logement que l’on trouve essentiellement sur le marché de l’accession. Dans un contexte d’augmentation des prix des biens immobiliers, c’est aussi le fait de disposer de deux salaires qui permet à ces ménages d’accéder à la propriété.

Gestion des équipements municipaux et flux migratoires dans les communes périurbaines

5Cette tendance à la spécialisation du périurbain dans l’accueil des couples avec enfants n’est pas sans poser des problèmes pour les communes périurbaines, qui sont généralement de taille réduite et n’ont pas les moyens de répondre toujours correctement aux demandes des familles, que ce soit en termes de garde d’enfants, d’accueil scolaire ou de pratiques associatives. Cette question est d’autant plus redoutable pour les municipalités qu’elles sont confrontées à des demandes qui évoluent rapidement selon l’importance des flux migratoires. Ainsi, l’ouverture à l’urbanisation de quelques dizaines de lots va générer l’arrivée soudaine de ménages avec de jeunes enfants et une augmentation rapide des effectifs scolarisés. En revanche, lorsque les flux migratoires se tarissent et qu’une grande partie de la population vieillit sur place, ce qui est généralement le cas étant donné la forte surreprésentation des propriétaires occupants bien moins mobiles que les locataires, certains équipements comme les écoles peuvent alors être surdimensionnés. Ces attentes en matière de services liés au domaine de compétences des communes peuvent se transformer en enjeux à l’occasion des scrutins municipaux dans les mondes périurbains.

Pour citer ce document

François Madoré, 2020 : « Le périurbain, l’espace des couples avec enfants », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 18/03/2020, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=373, DOI : en attente.

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Bibliographie

Berger M., Les périurbains de Paris. De la ville dense à la métropole éclatée ?, Paris, Éditions du CNRS, 2004.

Berger M., Rougé L., Thomann S., Thouzellier C., « Vieillir en pavillon : mobilités et ancrages des personnes âgées dans les espaces périurbains d’aires métropolitaines (Paris, Marseille, Toulouse) », Espace, Populations, Sociétés, n° 1, 2010, p. 53-67. DOI : 10.4000/eps.3912

Dodier R., avec la collaboration de Cailly L., Gasnier A., Madoré F., Habiter les espaces périurbains, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.

Jaillet M.-C., « L’espace périurbain : un univers pour les classes moyennes », Esprit, n° 303, 2004, p. 40-62.

Roux É., Vanier M., La périurbanisation : problématiques et perspectives, Paris, La documentation Française, 2008.

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François Madoré

Professeur de Géographie, Université de Nantes – IGARUN, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Résumé

L’une des conséquences majeures de la périurbanisation, qui recompose les espaces proches des villes françaises depuis la décennie 1970, est l’accentuation des spécificités sociodémographiques des différents territoires constitutifs des aires urbaines. Le périurbain se singularise ainsi avant tout par la surreprésentation marquée des couples avec enfants, qui renvoie à l’archétype du ménage s’installant dans une maison individuelle pour y accéder à la propriété, souvent dans un lotissement pavillonnaire.

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