Atlas Social de la métropole nantaise

Au-delà de la ville attractive

L’internationalisation de la métropole vue à travers le trafic passagers de son aéroport

par François Madoré

planche publiée le 03 avril 2020

La question de la construction d’un nouvel aéroport dans la métropole nantaise a défrayé la chronique en matière d’aménagement urbain ces dernières années. L’aéroport de Nantes-Atlantique se distingue aujourd’hui des autres grands aéroports français par une croissance bien plus rapide de son trafic depuis 2000, une croissance portée par le développement des vols internationaux, l’activité des compagnies low cost dont plusieurs ont fait de Nantes une de leur principale base et l’essor des voyages aériens liés aux loisirs.

7,2 millions de passagers et 80 villes étrangères desservies

1Alors que le dossier controversé de projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes a été récemment abandonné, Nantes-Atlantique vient de battre en 2019 son nouveau record de fréquentation avec 7,2 millions de passagers, ce qui le situe au neuvième rang français. La croissance du trafic y a été spectaculaire au cours des deux dernières décennies (à peine 2 millions de passagers en 2000) et bien supérieure à celle enregistrée par l’ensemble des aéroports de France métropolitaine comptant plus d’un million de passagers en 2019 : + 263 % depuis 2000 contre + 64 %. C’est l’aéroport français qui a connu, et très loin devant les autres, la plus forte croissance, à l’exception de celui de Paris-Beauvais mais qui était quasi inexistant en 2000 : alors que la croissance du trafic à Nantes s’élève donc à 263 %, elle est comprise ailleurs entre 11 % (Montpellier) et 151 % (Bordeaux), l’aéroport de Strasbourg enregistrant même une diminution suite à l’ouverture de la ligne TGV (figure 1).

Figure 1 - Nantes-Atlantique plus forte croissance du trafic derrière Beauvais depuis 2000

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2Cette hausse spectaculaire du trafic aéroportuaire à Nantes s’explique en premier par la progression très forte du trafic international, passé de 0,7 million de passagers en 2000 à 4,1 millions en 2019, soit un bond bien supérieur à la croissance du trafic domestique (figure 2). Depuis 2008, l’international est devenu majoritaire et atteint 59 % du trafic total en 2019, contre 37 % en 2000. Cette croissance de l’international s’observe globalement partout en France. On peut d’ailleurs penser que la part de l’international dans le trafic de la plate-forme nantaise pourrait encore progresser, car malgré la forte hausse déjà enregistrée elle reste inférieure de six points (65 %) à la moyenne observée dans les grands aéroports régionaux français qui transportent plus de cinq millions de passagers.

Figure 2 - Une hausse du trafic due surtout aux vols internationaux

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3Ce développement à l’international se traduit par la démultiplication des destinations desservies depuis Nantes, avec pas moins de 80 villes étrangères directement reliées en janvier 2020, ce qui montre à quel point la plate-forme aéroportuaire Nantes-Atlantique est devenue un vecteur majeur d’internationalisation de la métropole nantaise. La zone desservie concerne avant tout l’Europe, notamment celle du sud et du nord-ouest avec 65 villes et 21 pays, puis l’Afrique du Nord avec 13 destinations dans cinq pays (figure 3).

Figure 3 - 80 villes étrangères desservies, principalement en Europe du sud et du nord-ouest

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L’essor du low cost et des voyages d’agrément

4Cette ouverture à l’international et cette démultiplication des villes étrangères desservies s’expliquent largement par l’essor des compagnies aériennes à bas coût dit low cost. C’est dans l’aérien que ce modèle économique, issu de la distribution alimentaire, a connu son essor le plus spectaculaire, aux États-Unis d’abord (années 1970) puis en Europe (décennie 1990), avec l’émergence des deux groupes emblématiques Ryanair (1991) et EasyJet (1995). Le succès a été au rendez-vous, obligeant les compagnies traditionnelles à créer leur propre filiale low cost.

5Le low cost est apparu à Nantes en 2005 et en un peu plus d’une décennie a réussi à capter la majorité du trafic (64 % en 2019), soit une part supérieure à celle des grands aéroports régionaux français (46 % en 2018). Si le low cost, à Nantes encore plus qu’ailleurs booste le trafic aérien, c’est que trois compagnies y ont installé une base importante : Volotea, compagnie espagnole créée en 2012 et qui a fait de Nantes sa principale base opérationnelle ; Transavia, filiale d’Air France-KLM, qui a renforcé son activité sur le tarmac nantais en 2018 ; EasyJet, qui a ouvert à Nantes en 2019 sa septième base en France. Sans surprise, ce trio offre le plus de destinations depuis Nantes, avec respectivement 35, 30 et 26 aéroports desservis en 2020, soit bien plus qu’Air France, en quatrième position avec 16 destinations.

6Cette envolée du trafic aérien, et plus spécifiquement des vols internationaux proposés notamment par les compagnies low cost, a accompagné les transformations de la mobilité, notamment l’essor des voyages loisirs au détriment du professionnel, d’où la panoplie très large de destinations situées en Europe du sud et en Afrique du Nord parmi les 80 villes étrangères desservies depuis Nantes (figure 3). Cette mise en tourisme du transport aérien semble portée par un processus apparent de démocratisation de l’usage de l’avion, qui est cependant tout relatif et apparaît même en « trompe l’œil », tant « la composition sociale des Français ayant pris l’avion reste relativement stable, qu’elle soit envisagée sous l’angle des catégories sociales, des niveaux de revenus, des tranches d’âge ou des sexes », car « la massification dissimule en réalité une intensification de la mobilité des plus mobiles, une multiplication des voyages plutôt que des voyageurs », comme l’a montré un article récent de Demoli et Subtil. Autrement dit, la progression du trafic aérien ne s’accompagne pas d’un recul des inégalités sociales, car ce sont toujours les classes moyennes et supérieures qui, bien plus que les classes populaires, prennent l’avion.

Pour citer ce document

François Madoré, 2020 : « L’internationalisation de la métropole vue à travers le trafic passagers de son aéroport », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 03/04/2020, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=409, DOI : en attente.

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Bibliographie

Combe E., Le low cost, Paris, La Découverte, 2019.

Demoli Y., Subtil J., « Boarding Classes. Mesurer la démocratisation du transport aérien en France (1974-2008) », Sociologie, vol. 10, n° 2, 2019, p. 131-151

https://journals.openedition.org/sociologie/5295

Mots-clefs

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  • Aéroport Nantes Atlantique

François Madoré

Professeur de Géographie, Université de Nantes – IGARUN, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Résumé

La question de la construction d’un nouvel aéroport dans la métropole nantaise a défrayé la chronique en matière d’aménagement urbain ces dernières années. L’aéroport de Nantes-Atlantique se distingue aujourd’hui des autres grands aéroports français par une croissance bien plus rapide de son trafic depuis 2000, une croissance portée par le développement des vols internationaux, l’activité des compagnies low cost dont plusieurs ont fait de Nantes une de leur principale base et l’essor des voyages aériens liés aux loisirs.

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