Les pratiques d’art urbain à Nantes Métropole : des spatialités conditionnées par l’attitude des pouvoirs publics
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L’art urbain (graffiti, tags) marque les murs de nos villes de manière hétérogène dans l’espace et le temps. Les interactions entre les pouvoirs publics et les artistes, souvent organisés en communautés, sont l’une des principales sources des appropriations différenciées des espaces urbains. À Nantes Métropole, l’attitude des pouvoirs publics prend plusieurs formes, entre mise à disposition de murs, promotion d’évènements artistiques, tolérance dans les zones en transition et effacement des marquages interdits.
Les communautés de pratique d’art urbain, groupes d’influence sur les espaces publics
1Issue du mouvement Hip-Hop, apparu en France au début des années 1980, la branche peinture de cette culture, à l’origine revendiquée et perçue comme underground, a donné naissance à ce que l’on peut appeler l’art urbain. Ce terme permet d’inclure diverses pratiques qui s’approprient visuellement les espaces urbains, telles que le tag (signature stylisée) et le graffiti (peinture murale, recouvrant une grande variété de styles et méthodes). Les artistes urbains ont tendance à former des communautés de pratique, pour des raisons culturelles et sociologiques (rivalités spatiales, structuration des groupes par des liens affectifs), et utilitaires (partage des coûts, prévention des risques). L’art urbain donne à réfléchir aux pratiques communautaires dans les espaces publics, et aux interactions des communautés de pratique avec les pouvoirs publics. Ces communautés sont définies par le chercheur Wenger comme des groupes dont les membres partagent une passion pour un sujet, un intérêt ou une problématique commune, et interagissent régulièrement pour améliorer leurs compétences.
2 Les communautés de pratique d’art urbain prennent trois formes principales. La « bande d’amis » informelle est le groupe le plus classique, uniquement structuré par les liens affectifs entre membres. Le crew représente la communauté de pratique de référence pour les artistes, dont l’appartenance est codifiée et organisée, mais non structurée juridiquement. Le collectif d’artistes urbains professionnels, structuré en association Loi 1901, constitue enfin une forme institutionnalisée.
Des pratiques aux spatialités hétérogènes
3 Il existe trois types de pratiques d’art urbain, au regard de leur rapport à la loi, présentant des spatialités particulières. Les pratiques illégales consistent généralement en des tags ou des graffiti effectués rapidement, de nuit et de manière risquée. L’objectif de visibilité est maximal. Elles ont lieu dans tout le centre-ville de Nantes, sur les façades, pignons, cours ou porches d’immeuble et sur le mobilier urbain. Ces pratiques sont très visibles dans le quartier Madeleine-Champ-de-Mars, notamment aux abords des rues Fouré et des Olivettes (photo 1). Cet ancien quartier populaire aujourd’hui gentrifié a vu se développer une importante concentration d’activités artistiques et culturelles depuis deux décennies, engendrant une atmosphère tournée vers la création underground. Les pratiques d’art urbain illégales sont également nombreuses à proximité de la gare, lieu très fréquenté donc visible. En s’éloignant du centre-ville, les lieux de pratiques illégales se trouvent le long des grands axes de communication et des lignes de tramway : rue Paul Bellamy – boulevard Robert Schuman et place Viarme – route de Vannes en direction du nord, boulevards Jean Monnet et des Martyrs Nantais de la Résistance vers le sud, boulevard Dalby et lignes de chemins de fer en direction de l’est, enfin quai de la Fosse – route de Saint-Herblain à l’ouest. Un budget annuel supérieur à un million d’euros est dédié au nettoyage des tags et graffiti illégaux par les services de Nantes Métropole.
Photo 1 - Pignon d’immeuble recouvert de tags et graffiti illégaux
Crédit photo : Christian Chauvet, photographe, Pôle audio et média (PAM), Université de Nantes, mars 2021
Rue des Olivettes – centre-ville de Nantes
4 Les pratiques tolérées sont des graffiti élaborés nécessitant de la place et du temps. Elles ont lieu dans les friches urbaines et industrielles ou les dents creuses du centre-ville, évoluant en fonction de la rénovation urbaine. Nombre d’entre elles se trouvent sur la partie sud-ouest de l’île de Nantes, phénomène accentué par la fermeture de l’ancien MIN (photo 2). On peut aussi noter la présence de multiples zones en transition le long de la Loire, dans le Bas Chantenay.
Photo 2 - Pôle propreté de Nantes Métropole, recouvert de tags et graffiti tolérés
Crédit photo : Christian Chauvet, photographe, Pôle audio et média (PAM), Université de Nantes, mars 2021
Rue de la Guyane - zone de friche du sud-ouest de l’Île de Nantes
5 Enfin, les pratiques légales se distinguent en deux sous-catégories (figure 1). D’une part, des lieux sont mis à disposition par les pouvoirs publics pour y développer ces pratiques libres. Il s’agit du dessous de ponts, de murs, de skate-parks (Hôtel-Dieu, Quai Gaston Doumergue) ou encore de passage souterrain (Allée Baco). Le Plan Graff, mis en place par l’association Pick-Up et la Ville de Nantes, a permis d’institutionnaliser ces pratiques. D’autre part, des lieux sont dédiés à des évènements d’art urbain organisés par les collectifs d’artistes. Les pouvoirs publics peuvent les promouvoir financièrement et matériellement. Ces lieux sont surreprésentés dans la partie ouest de l’Île de Nantes, à proximité du Hangar à bananes et du Quartier de la Création, ainsi que sur les pignons d’immeuble de certains quartiers de banlieues (Orvault, Rezé, Saint-Herblain).
Figure 1 - Les géographies de deux pratiques légales d’art urbain
https://geoapps.huma-num.fr/adws/app/550176ce-5586-11eb-a399-3955aa71599f/6L’art urbain dans la métropole nantaise témoigne de la grande diversité des pratiques que recouvre ce mouvement artistique et culturel. Les marques visuelles laissées par les artistes sont le résultat d’appropriations spatiales, souvent obtenues par des logiques communautaires, mais également de rapports à la loi et aux pouvoirs publics différenciés. Ces interactions sociales contribuent à dessiner et faire évoluer les paysages urbains nantais.
Pour citer ce document
Josselin Le Claire, 2021 : « Les pratiques d’art urbain à Nantes Métropole : des spatialités conditionnées par l’attitude des pouvoirs publics », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 26/03/2021, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=587, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.587.
Claire'>Autres planches in : Se cultiver et se divertir
Bibliographie
Catz J., Street-art, le guide, Paris, Flammarion, 2015.
Guilbaud S., Nantes, Balades Urbaines, Nantes, Éditions Ici Même, 2018.
Lani -Bayle M., Du tag au graff’art, Paris, Martin Média, 1993.
Michel B., Le Claire J., « Secteurs culturels et ESS : quelles formes collectives d’organisation ? », H. Defalvard (dir.), Culture et Economie Sociale et Solidaire, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2019, p. 97-105.
Wenger E., Communities of Pratice. Learning, Meaning and Identity, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
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L’art urbain (graffiti, tags) marque les murs de nos villes de manière hétérogène dans l’espace et le temps. Les interactions entre les pouvoirs publics et les artistes, souvent organisés en communautés, sont l’une des principales sources des appropriations différenciées des espaces urbains. À Nantes Métropole, l’attitude des pouvoirs publics prend plusieurs formes, entre mise à disposition de murs, promotion d’évènements artistiques, tolérance dans les zones en transition et effacement des marquages interdits.
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