Atlas Social de la métropole nantaise

Au-delà de la ville attractive

La dynamique démographique de l’aire urbaine nantaise (2/2). Les oscillations de l’onde de croissance entre affirmation d’une banlieue et périurbanisation

par François Madoré

planche publiée le 11 octobre 2022

Si la croissance démographique de l’aire urbaine de Nantes a été particulièrement rapide ces dernières décennies, l’onde de croissance s’est reportée sur les périphéries, confortant d’abord une banlieue qui a émergé au cours de la seconde moitié du XXe  siècle, avant de s’étendre à la couronne périurbaine à partir des années 1970. Les oscillations de cette onde sont observées selon une double dimension, spatiale et diachronique, et s’inscrivent dans un contexte quelque peu singulier, car contrairement à bien d’autres agglomérations, la ville-centre de Nantes gagne plus d’habitants qu’elle n’en perd par les flux migratoires.

1Sous l’effet de la métropolisation, l’aire urbaine de Nantes est l’une des plus dynamiques démographiquement de France. Cette croissance s’accompagne, depuis plusieurs décennies, d’un processus de déconcentration résidentielle au profit des communes de banlieue puis de la couronne périurbaine, ce qui n’empêche pas la ville-centre de Nantes de gagner régulièrement de la population depuis 1982, contrairement à beaucoup d’autres villes-centres françaises. Cette croissance démographique centrifuge n’est toutefois pas un mouvement uniforme et il convient d’en observer les oscillations, dans une double dimension spatiale et diachronique.

L’affirmation d’une banlieue

2Globalement, l’onde des fortes croissances de population dessine un processus d’étalement urbain assez classique. Ce sont d’abord les vingt-trois communes de banlieue qui engrangent des gains démographiques notables de 1968 à 1975, avec un taux d’accroissement annuel moyen très élevé (+ 4,4 %), imputable aux trois quarts au solde migratoire (lien vers planche 76). C’est surtout après la Seconde Guerre mondiale qu’une banlieue émerge à Nantes, au sud de la Loire à Saint-Sébastien-sur-Loire et Rezé, communes qui bénéficient d’une grande proximité géographique avec le centre de Nantes, et aussi le long du complexe industrialo-portuaire dans les communes estuariennes de Couëron, Indre, La Montagne, Le Pellerin et Saint-Jean-de-Boiseau. D’ailleurs, ces communes n’enregistrent plus que des gains démographiques modestes entre 1968 et 1975, leur croissance étant consolidée pour l’essentiel (figures 1 et 2). Puis, l’onde des fortes croissances portées par un solde migratoire fortement positif gagne au cours des décennies 1960-1970 les deux communes d’Orvault et de Saint-Herblain à l’ouest, qui vont enregistrer des gains importants de population, avant de basculer vers les communes du nord et de l’est, de La Chapelle-sur-Erdre à Basse-Goulaine, en passant par Carquefou, Sainte-Luce et Thouaré.

Figure 1 - Les oscillations communales et temporelles de la croissance démographique entre 1968 et 2018

1968-1975

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1975-1982

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1982-1990

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1990-1999

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1999-2008

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2008-2013

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2013-2018

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NDLR : pour obtenir une version "animée" de l'évolution, vous pouvez faire défiler rapidement les cartes par année (de 1968 à 2018) en utilisant la flèche droite du clavier (flèche gauche pour revenir en arrière).

Source : INSEE, Recensements de la population de 1968 à 2018

Figure 2 - Les oscillations communales et temporelles du solde migratoire entre 1968 et 2018

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NDLR : pour obtenir une version "animée" de l'évolution, vous pouvez faire défiler rapidement les cartes par année (de 1968 à 2018) en utilisant la flèche droite du clavier (flèche gauche pour revenir en arrière).

Source : INSEE, Recensements de la population de 1968 à 2018

L’émergence de la périurbanisation

3 La période 1975-1982 marque une double rupture dans les dynamiques démographiques de l’aire urbaine de Nantes. D’une part, comme dans les autres grandes villes françaises, on assiste à un déplacement vers les franges périurbaines des zones les plus dynamiques démographiquement . Le taux d’accroissement démographique de la banlieue est ainsi divisé par deux, tandis que celui de la couronne périurbaine est multiplié par trois. Si 33 des 84 communes de cette couronne perdent de la population entre 1968-1975, notamment celles des franges externes et/ou au nord, elles ne sont plus que cinq entre 1975-1982. Alors que les apports migratoires reculent nettement en banlieue, ils augmentent fortement dans la couronne, jusqu’à une trentaine de kilomètres de Nantes, donnant ainsi une impulsion décisive à une dynamique de périurbanisation qui s’affirme avec force. D’autre part, dans le pôle urbain, le basculement des fortes croissances démographique vers le nord et l’est se renforce, tout en gagnant de nouvelles communes plus lointaines mais rattrapées par la croissance centrifuge de l’agglomération nantaise, notamment au sud-ouest (Bouaye, Port-Saint-Père, Saint-Aignan-Grandlieu et Saint-Léger-les-Vignes).

4 À partir de 1982, parallèlement au regain démographique de la ville-centre de Nantes, une nette décélération de la croissance s’opère dans les communes de banlieue. Après avoir déjà été divisé par deux entre 1968-1975 et 1975-1982, le taux de variation annuel de la population y diminue encore, tout en restant positif et irrégulier d’une période intercensitaire à l’autre. En tout cas, alors que 13 communes sur 23 enregistrent un taux de croissance très rapide (supérieur à + 3 % par an) entre 1968-1975 puis 1975-1982, cela ne concerne plus que cinq communes entre 1982-1990, puis aucune entre 1990-2008, et deux puis quatre par la suite. Quant à la couronne périurbaine, elle connait des oscillations fortes en termes d’intensité de croissance démographique, avec un ralentissement entre 1982 et 1999 en lien avec la crise de l’accession sociale à la propriété en France, suivie d’une reprise de 1999 à 2013 et en même temps d’un élargissement géographique. En effet, ce sont principalement les communes appartenant aux franges externes de cette couronne qui croissent rapidement au cours de cette période marquée par une vive hausse des coûts de l’immobilier et du foncier.

Le ralentissement de la dynamique de périurbanisation

5Toutefois, entre 2013-2018, l’onde de périurbanisation semble avoir atteint un seuil dans son processus d’élargissement géographique, du moins à l’échelle de la couronne périurbaine, et très peu de communes voient leur population augmenter rapidement. Les taux de variation de population ont même tendance à s’homogénéiser. Fait notable, pour la première fois depuis 1968, la couronne périurbaine nantaise progresse moins vite que la ville-centre de Nantes et que les 23 communes de banlieue. Cette évolution accrédite l’hypothèse d’un ralentissement de l’étalement urbain, tendance congruente avec la densification du cœur de l’aire urbaine, notamment de sa ville-centre.

Pour citer ce document

François Madoré, 2022 : « La dynamique démographique de l’aire urbaine nantaise (2/2). Les oscillations de l’onde de croissance entre affirmation d’une banlieue et périurbanisation », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 11/10/2022, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=821, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.821.

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Bibliographie

Clanché F., « Trente ans de démographie des territoires. Le rôle structurant du bassin parisien et des très grandes aires urbaines », Insee Première, n° 1483, 2014. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1280958

De Bellefon M.-P., E usebio P., Forest J., Pégaz-Blanc O., Warnod R., « En France, neuf personnes sur dix vivent dans l’aire d’attraction d’une ville », Insee Focus, n° 211, 2020. https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806694

Garat I., Pottier P., Guineberteau T., Jousseaume V., Madoré F., Nantes. De la belle endormie au nouvel Eden de l’Ouest, Paris, Anthropos, 2005.

Vallès V., « Démographie des EPCI : la croissance se concentre dans et au plus près des métropoles », Insee Première, n° 1729, 2019. https://www.insee.fr/fr/statistiques/3694585

Mots-clefs

Glossaire

François Madoré

Professeur de Géographie, Université de Nantes – IGARUN, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Résumé

Si la croissance démographique de l’aire urbaine de Nantes a été particulièrement rapide ces dernières décennies, l’onde de croissance s’est reportée sur les périphéries, confortant d’abord une banlieue qui a émergé au cours de la seconde moitié du XXe  siècle, avant de s’étendre à la couronne périurbaine à partir des années 1970. Les oscillations de cette onde sont observées selon une double dimension, spatiale et diachronique, et s’inscrivent dans un contexte quelque peu singulier, car contrairement à bien d’autres agglomérations, la ville-centre de Nantes gagne plus d’habitants qu’elle n’en perd par les flux migratoires.

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