Atlas Social de la métropole nantaise

Au-delà de la ville attractive

Les dynamiques résidentielles des classes populaires au sein de la métropole nantaise : logiques de ségrégation et situations de mixité

par Nicolas Raimbault, Jean Rivière et Christophe Batardy

planche publiée le 07 avril 2022

En 2017, les classes populaires rassemblent 45 % de la population de la métropole nantaise. Malgré leur nombre, elles tendent à être de moins en moins visibles dans bien des espaces de la métropole. Entre éviction du centre de la métropole, paupérisation des quartiers de logements sociaux et périurbanisation de plus en plus marquée, les classes populaires connaissent des dynamiques résidentielles contrastées.

Des dynamiques résidentielles marquées par les modalités d’accès à des logements bon marché

1Les classes populaires se concentrent dans deux grands types d’espaces résidentiels : les quartiers populaires d’habitat social de l’agglomération et certaines communes périurbaines éloignées. Ces deux géographies s’expliquent par des dynamiques résidentielles différentes et inverses (figure 1). La première correspond à la géographie du parc de logements sociaux. Inversement, l’accès progressif des ouvrier·e·s et des employé·e·s à la propriété résidentielle à partir des Trente Glorieuses a entraîné une dynamique de périurbanisation populaire, dans le cadre de parcours de promotion résidentielle. Cette périurbanisation est rendue possible par l’offre de maisons bon marché au sein des lotissements de ces communes. C’est dans ces espaces que les effectifs des classes populaires sont en croissance.

Figure 1 - Les résidences des classes populaires : une géographie du logement social et du logement privé bon marché

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2Au-delà de ces deux types de localisations résidentielles emblématiques, les classes populaires vivent dans des espaces qui connaissent des trajectoires d’évolutions très différentes (figure 2), ces espaces s’inscrivant eux-mêmes dans mosaïque socio-géographique plus large. Ces changements contribuent à accroitre leur ségrégation, sans toutefois faire disparaître les nombreuses configurations de mixité sociale.

Figure 2 - Les trajectoires des espaces populaires depuis 1975

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Des trajectoires socio-résidentielles très contrastées entre 1975 et 2015

3Le profil « paupérisation relative » (figure 2) renvoie au fait que la concentration relative des ouvrier·e·s et des employé·e·s augmente continuellement dans les quartiers de grands ensembles de Nantes, Saint-Herblain ou Rezé, tels que Les Dervallières, Bellevue ou encore le Château de Rezé. Elle y est plus marquée que dans les couronnes périurbaines et permet à une partie des classes populaires d’habiter en périphérie proche du centre-ville. Cependant, ces quartiers perdent des habitants et n’accueillent plus que 8,5 % du total des classes populaires de l’aire urbaine en 2017.

4En effet, 34,6 % des membres de ces classes vivent désormais dans le profil « périurbanisation des mondes populaires ». Elles sont particulièrement surreprésentées et en croissance au sein de communes situées aux marges de l’aire urbaine. Cette dynamique s’explique par les opportunités d’accession à la propriété privée de logements bon marché au sein de cette couronne périurbaine éloignée.

5Entre ces deux configurations de périphéries populaires, qui regroupent un peu moins de la moitié des effectifs, environ un tiers des classes populaires habitent également des quartiers plus mixtes. Il s’agit notamment du corridor industrialo-portuaire constitué à partir de la seconde moitié du XIXe siècle le long de la Loire. La surreprésentation des ouvriers s’y est progressivement estompée à partir des années 1980. Aujourd’hui, le profil socioprofessionnel de ces espaces est proche de la moyenne métropolitaine. Plus généralement, un tiers des classes populaires vivent ainsi dans des espaces relativement mixtes (figure 2), en partie grâce aux logements sociaux construits dans ces quartiers.

6Enfin, 15 % des classes populaires habitent dans des espaces urbains concernées par des processus de « gentrifications ». Dans ces quartiers péricentraux nantais et de la périphérie proche, les classes populaires y sont encore nombreuses mais en sont progressivement évincées, car le marché des logements privés y devient inaccessible pour la majorité des classes populaires. C’est donc le parc de logement social qui permet encore un maintien relatif des classes populaires dans la partie centrale de la métropole.

7La géographie résidentielle des classes populaires rend compte des dynamiques de ségrégation à l’œuvre au sein de la métropole de Nantes, mais aussi des situations de mixité sociale qui perdurent, y compris dans la commune centre. Cette géographie découle largement des modalités d’accès à des logements bon marché, soit sociaux au sein de l’agglomération, soit en tant que propriétaire au sein de la couronne périurbaine. Parallèlement aux questions de logement, cette géographie questionne aussi la proximité entre les résidences des classes populaires et leurs lieux de travail, qui sont loin de se concentrer dans le seul centre-ville.

Pour citer ce document

Nicolas Raimbault, Jean Rivière et Christophe Batardy, 2022 : « Les dynamiques résidentielles des classes populaires au sein de la métropole nantaise : logiques de ségrégation et situations de mixité », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 07/04/2022, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=747, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.747.

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Bibliographie

Lambert A., "Tous propriétaires !". L'envers du décor pavillonnaire, Paris, Seuil, 2015.

Rivière J., Madoré F., Batardy C., Garat I., Raimbault N., « Les divisions socioprofessionnelles en mouvement d’une métropole attractive, Le cas de l’aire urbaine de Nantes (1975-2015) », Cybergeo : European Journal of Geography , Espace, Société, Territoire, document 975. DOI : 10.4000/cybergeo.36572

Rougé L., « Les petits budgets du périurbain », Études foncières, n° 128, 2007, p. 14-17.

Siblot Y., Cartier M., Coutant I., Masclet O., Renahy N. (dir.), Sociologie des classes populaires contemporaines, Paris, Armand Colin, 2015.

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Jean Rivière

Maître de conférences en géographie, Université de Nantes – IGARUN, UMR 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Résumé

En 2017, les classes populaires rassemblent 45 % de la population de la métropole nantaise. Malgré leur nombre, elles tendent à être de moins en moins visibles dans bien des espaces de la métropole. Entre éviction du centre de la métropole, paupérisation des quartiers de logements sociaux et périurbanisation de plus en plus marquée, les classes populaires connaissent des dynamiques résidentielles contrastées.

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