Les classes populaires de la métropole nantaise : un groupe social central, une géographie résidentielle doublement périphérique
Table des matières
Dans les discours médiatiques et le débat public, les métropoles sont couramment décrites comme l’espace des classes supérieures. Pourtant, les classes populaires qui regroupent les ouvrier·e·s et les employé·e·s, soit près de 13 millions d’actifs en 2017 en France, un nombre globalement stable depuis 1982, représentent encore aujourd’hui la moitié de la population des métropoles françaises. Avec 45 % de sa population appartenant aux classes populaires, l’aire urbaine nantaise ne déroge pas à la règle. Leurs espaces s’inscrivent dans la mosaïque des clivages socioprofessionnels de la métropole nantaise.
Les classes populaires : un déclin relatif, des effectifs toujours très importants
1Les classes populaires réunissent deux principaux groupes socioprofessionnels dans la nomenclature des catégories socioprofessionnelle (PCS) de l’Insee : les ouvrier·e·s et les employé·e·s (certains travaux proposent d’inclure également certains indépendants, comme les artisans et les agriculteurs, et d’exclure les employés qualifiés). En 2017, dans l’aire urbaine nantaise, le nombre d’ouvriers s’élève à 87 000 (comme en 1982) et celui d’employées à 121 000 (contre 81 000 en 1982). Entre 1982 et 2017, les effectifs des classes populaires passent donc de 170 112 à 209 565. Cette croissance est cependant inférieure à celle des autres groupes sociaux. Leur proportion passe ainsi de 61 % à 44 %, selon une trajectoire similaire à la moyenne nationale. Les classes populaires sont donc loin d’avoir disparu de l’aire urbaine nantaise, mieux, elles y représentent toujours le groupe social quantitativement le plus important.
Les visages actuels des classes populaires : ouvrier·e·s et employé·e·s des services
2Afin d’étudier les groupes situés en bas de la hiérarchie sociale, il est crucial de ne pas s’arrêter aux seuls ouvriers de l’industrie, très présents dans les représentations collectives, mais de tenir compte de la croissance des emplois peu qualifiés, d’ouvriers et d’employés, dans les services, qui partagent « des conditions d’emploi, de travail et de salaire difficiles » en tant que professions d’exécution, selon l’expression de Amossé et Chardon.
3D’un côté, la tertiarisation de l’économie a entraîné la croissance de nombreux emplois d’employé·e·s, dits non qualifié·e·s par la nomenclature PCS, dans les services publics, la vente et les services directs aux entreprises. De l’autre, à côté du travail en usine, l’économie des services repose aussi sur de nombreux métiers manuels, c’est-à-dire des emplois ouvriers dans la construction, la logistique (entrepôts et transport de marchandises) ou encore l’artisanat. Dans l’aire urbaine nantaise, si 77 % des employé·e·s sont des femmes, 80 % des ouvrier·e·s sont des hommes. Ces proportions sont très proches à l’échelle nationale pour ces deux groupes socioprofessionnels.
4Les couples entre ouvrier·e·s et employé·e·s sont donc la configuration majoritaire des ménages des classes populaires. À l’échelle nationale, 80 % des ouvriers sont en couple avec des ouvrières ou, plus fréquemment, des employées. 60 % des employées sont en couple avec des employés ou, plus fréquemment, des ouvriers. C’est pourquoi lieux de résidence des ouvrier·e·s et des employé·e·s correspondent très largement.
5Enfin, les classes populaires constituent le groupe social le plus concerné par l’immigration. La part des étranger·e·s atteint ainsi 9,5 % (11,8 % des ouvrier·e·s, 7,7 % des employé·e·s), contre moins de 6,9 % pour l’ensemble des actifs et 5,7 % pour l’ensemble des habitant·e·s de l’aire urbaine en 2018.
Pérennité des quartiers populaires historiques, déploiement d’un périurbain populaire
6Au sein de l’aire urbaine nantaise, les classes populaires se concentrent dans deux grands types d’espaces résidentiels, au point d’y représenter plus de 55 % de la population : les quartiers populaires d’habitat social de l’agglomération et certaines communes périurbaines éloignées (figure 1).
Figure 1 - Les lieux de résidence des classes populaires : grands ensembles et périurbain éloigné
7Une partie des classes populaires vit au sein des quartiers de grands ensembles de Nantes, Saint-Herblain ou Rezé, tels que Les Dervallières, Bellevue ou encore le Château de Rezé. En ce sens, le parc de logements sociaux contribue à stabiliser la géographie résidentielle des classes populaires et permet à une partie de ces dernières d’habiter en périphérie proche du centre-ville.
8Cependant, les espaces connaissant une croissance des effectifs populaires sont majoritairement périurbains (figure 2). Les classes populaires sont en effet de plus en plus nombreuses à vivre dans la couronne périurbaine où elles peuvent accéder à la propriété de leur logement en maison individuelle. Elles sont particulièrement surreprésentées et en croissance au sein de communes situées aux marges de l’aire urbaine.
Figure 2 - Une forte croissance des classes populaires dans la couronne périurbaine éloignée
9Les effectifs des classes populaires restent toutefois élevés dans bien des quartiers des communes du centre de l’agglomération (figure 1), y compris dans des espaces plutôt mixtes socialement, voire en cours de « gentrifications ». Dans ces quartiers, les classes populaires sont encore nombreuses mais sont progressivement évincées vers des espaces où les coûts du logement sont moindres, sous l’effet de la pression de la croissance urbaine.
10Les classes populaires, qui regroupent près de la moitié de la population de la métropole nantaises, se déploient donc au sein de deux types de périphéries : les quartiers populaires de l’agglomération et la couronne périurbaine éloignée. Cette double géographie périphérique soulève finalement trois grands enjeux traités par d’autres planches. Le premier est celui de l’accès aux centralités fonctionnelles et symboliques de la métropole. Le second est celui de l’accès à des logements bon marché, du parc social comme privé. Enfin, le troisième est celui de l’accès aux lieux de travail de ces actifs, qui sont loin de se concentrer dans le centre-ville.
Pour citer ce document
Nicolas Raimbault et Christophe Batardy, 2022 : « Les classes populaires de la métropole nantaise : un groupe social central, une géographie résidentielle doublement périphérique », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 31/03/2022, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=737, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.737.
Autres planches in : Distinguer des groupes sociaux
Bibliographie
Amossé T., Chardon O., « Les travailleurs non qualifiés : une nouvelle classe sociale ? », Économie et statistique, n° 393-394, 2006, p. 203-229. https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/1376814/es393-394k.pdf
Hugrée C., Penissat E., Spire A., Les classes sociales en Europe. Tableau des nouvelles inégalités sur le vieux continent. Agone, 2017.
Rivière J., Madoré F., Batardy C., Garat I., Raimbault N., « Les divisions socioprofessionnelles en mouvement d’une métropole attractive, Le cas de l’aire urbaine de Nantes (1975-2015) », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 975. DOI : 10.4000/cybergeo.36572
Siblot Y., Cartier M., Coutant I., Masclet O., Renahy N. (dir.), Sociologie des classes populaires contemporaines, Paris, Armand Colin, 2015.
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Résumé
Dans les discours médiatiques et le débat public, les métropoles sont couramment décrites comme l’espace des classes supérieures. Pourtant, les classes populaires qui regroupent les ouvrier·e·s et les employé·e·s, soit près de 13 millions d’actifs en 2017 en France, un nombre globalement stable depuis 1982, représentent encore aujourd’hui la moitié de la population des métropoles françaises. Avec 45 % de sa population appartenant aux classes populaires, l’aire urbaine nantaise ne déroge pas à la règle. Leurs espaces s’inscrivent dans la mosaïque des clivages socioprofessionnels de la métropole nantaise.
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