Atlas Social de la métropole nantaise

Au-delà de la ville attractive

Le jardin des Ronces : espace jardiné autogéré contre ZAC métropolitaine

par Isabelle Garat

planche publiée le 07 octobre 2024

À partir du milieu des années 2010, les oppositions aux projets urbains de la métropole nantaise deviennent plus visibles et vigoureuses, structurées par des collectifs multiformes. Le « jardin des Ronces » est une illustration de ces espaces de conflit où s’oppose la représentation de l’urbain d’un collectif autogéré et celle des élus et aménageurs de la ville et de la métropole.

Des ZAC tous azimuts

1La ville de Nantes est devenue attractive à partir du début des années 2000, à la fois du fait du volontarisme municipal, mais aussi de la vigueur du processus de métropolisation qui bénéficie tout particulièrement aux métropoles françaises, notamment celles situées à l’Ouest ou au Sud du territoire national. La nécessité d’accueillir de nouveaux habitants (8 000 chaque année à l’échelle de Nantes Métropole) a conduit la municipalité à élaborer des projets urbains parallèles ou successifs (figure 1) sur d’anciens espaces industriels (Île de Nantes, Bas-Chantenay), militaires (caserne Mellinet, Champ-de-manœuvre) ou encore maraichers (Bottière-Chênaie, St-Joseph-de-Porterie, Doulon-Gohards). Ces nouveaux quartiers passent tous par la mise en place de zones d’aménagement concerté (ZAC) dont la maîtrise d’ouvrage est, depuis le début des années 2010, déléguée à un aménageur.

2À l’Est de Nantes, deux projets sont édifiés sur des friches agricoles préemptées de longue date par la commune. Si le premier, Bottière Chênaie, a été construit sans entrave sur 35 ha à compter de 2005, alors que la densité des constructions était pourtant importante, le second, Doulon-Gohards (180 ha dont 80 constructibles), dont les travaux ont débuté en février 2023, est contesté, notamment par le collectif du jardin des Ronces situé à proximité.

Figure 1 - Les ZAC nantaises entre 2003 et 2023

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Le collectif du jardin des Ronces

3L’histoire de ce collectif débute en avril 2014 par l’occupation, par des personnes en recherche de jardin, d’un roncier près du cimetière du quartier du Vieux Doulon. Cette action fait suite à deux autres défrichements d’espaces abandonnés dans le même secteur entre 2012 et 2014, l’un sans autorisation, l’autre, le jardin abandonné de l’ancienne cure Saint-Médard, sur proposition du curé de la paroisse. Le jardin des Ronces est le nom donné au troisième lieu occupé au sein d’une exploitation agricole abandonnée quarante ans auparavant et où seul un ancien bâtiment délabré est occupé par trois personnes précédemment à la rue. Après défrichement collectif d’une partie de l’espace, un jardin collectif autogéré et des parcelles individuelles sont mis en valeur, et voisinent avec les occupants historiques du roncier.

Jardin des Ronces contre ZAC

4Le collectif du jardin des Ronces prend connaissance du projet urbain Doulon Gohards, alors que l’aménageur est en cours de préemption de la friche. Dès lors, la contestation débute et le mouvement est suffisamment structuré pour attirer d’autres groupes contestataires des projets nantais et se mettre en réseau avec des collectifs politiques qui contestent plus largement la dénaturation des espaces (Sème ta ZAD à Notre-Dame-des-Landes, le Chaudron des alternatives).

5L’organisation d’une fête annuelle du jardin des Ronces (figure 2) depuis 2015 mais aussi des appels à jardinage permettent de réunir du monde, d’asseoir et de conforter l’occupation du site. Depuis 2014, le collectif a aussi aussi mis en place un blog et a attiré l’attention de Ouest France et Presse Océan, de France 3 et Radio France. L’opposition au projet a connu son acmé avec l’organisation d’un contre-forum en 2020, en parallèle du forum d’information sur le projet de ZAC, vu comme du « greenwashing un peu trop visible ». Le projet initial de ZAC proposait des logements, dont 25 % de logements sociaux, dans un contexte métropolitain d’insuffisance d’offre et de forte croissance démographique. Le projet porté par l’aménageur a évolué en 2017-2018 avec l’introduction de quatre fermes urbaines et une communication axée sur la continuité de la vocation originelle du quartier. Toutefois, la part de l’activité agricole est fort réduite (8 ha) au regard des 72 ha aménagés pour l’urbanisation.

Figure 2 - Tract d’invitation à une fête annuelle

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Une opposition au changement fonctionnel de l’espace

6La montée en puissance des problématiques d’agriculture et d’alimentation locales ou encore de maintien de la nature en ville ont contribué à l’évolution du contexte de mise en place des projets urbains. Or, le secteur des Gohards était le dernier espace non bâti de l’est de Nantes. De fait, des habitants du quartier ou de quartiers voisins désireux de jardin sont présents dans le collectif et ne voulaient pas attendre les cinq ans nécessaires à l’obtention d’un jardin familial. La minéralisation de l’espace est donc le premier élément de critique du projet, le second étant les prix élevés des programmes immobiliers.

7Bien que les services de la métropole aient proposé au collectif du jardin des Ronces une occupation officialisée avec un bail, le collectif a jusque-là décliné et poursuivi sa lutte urbaine de contestation des choix de développement métropolitain. Derrière l’affrontement du pot de terre (le collectif) contre le pot de fer (aménageur et métropole), c’est tout un système de valeurs qui s’oppose, jardins communs et collectifs contre propriété individuelle, préservation d’espaces agricoles et naturels contre densification bâtie, jeunes en précarité d’emploi et en difficulté de logement contre élus et cadres de la métropole aux positions établies.

Pour citer ce document

Isabelle Garat, 2024 : « Le jardin des Ronces : espace jardiné autogéré contre ZAC métropolitaine », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 07/10/2024, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=1019, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.1019.

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Bibliographie

Adam M. et al., « Et les jardins ils sont à qui » ? Entretien sur les luttes de défense des jardins populaires », Métropoles, 2023, n° 32. DOI : 10.4000/metropoles.9961

Mehtali L., « L’habiter politique. L’étude des pratiques de résistance par le bas pour une appropriation de l’espace urbain nantais », Mémoire de master 1, Institut de géographie et d’aménagement Nantes Université, 2018.

Blog du collectif du jardin des Ronces.

Présentation du projet par Nantes aménagement.

Ouest-France https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/toujours-attractive-la-loire-atlantique-a-gagne-plus-de-97-000-habitants-en-six-ans-04ea3688-86cd-11ed-b125-f14db4e4521b.

Presse Océan, « Doulon Gohards : au jardin des Ronces, la contestation pousse », 20 septembre 2020.

Index géographique

Résumé

À partir du milieu des années 2010, les oppositions aux projets urbains de la métropole nantaise deviennent plus visibles et vigoureuses, structurées par des collectifs multiformes. Le « jardin des Ronces » est une illustration de ces espaces de conflit où s’oppose la représentation de l’urbain d’un collectif autogéré et celle des élus et aménageurs de la ville et de la métropole.

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