La présidentielle 2022 au microscope. Continuités et ruptures avec le paysage électoral antérieur dans la Métropole
par Jean Rivière
Table des matières
Pour clore le chapitre relatif à la géographie électorale, cette planche s’attache à décrire les configurations électorales observées à l’occasion du scrutin présidentiel de 2022, mais aussi à les inscrire au regard des dynamiques passées. Elle propose également de les positionner par rapport aux grands clivages sociaux qui structurent l’espace de Nantes Métropole, en saisissant les hiérarchies socioprofessionnelles grâce à une nomenclature fine.
1L’analyse du 1er tour du scrutin présidentielle 2022, conduite dans la maille des bureaux de vote de 2017 pour rendre cette analyse comparable avec des travaux observant les mutations électorales des dernières décennies, permet de dresser une typologie en neuf classes et trois ensembles du paysage électoral contemporain de la Métropole nantaise (figure 1).
Figure 1 - La mosaïque urbaine des neuf classes de la typologie électorale
Source : Ministère de l'Intérieur, 2022.
Permanences et mutations récentes des mondes urbains ancrés à droite
2La classe « Droites-1 » est celle où le score d’E. Macron est le plus élevé en lien avec la droitisation de son positionnement politique, mais la singularité de ces bureaux est d’abord fondée sur des votes pour V. Pécresse et É. Zemmour fortement supérieurs à la moyenne. C’est l’espace des beaux quartiers de l’ouest nantais jusqu’à Sautron, approprié de longue date par les fractions des classes supérieures marquées par le primat du capital économique sur le capital culturel (figure 2). La géographie de la classe « Droites-2 » est ancrée dans la ville-centre, dans le prolongement de ces secteurs. Les votes É. Zemmour et V. Pécresse sont aussi plus présents qu’ailleurs mais s’accompagnent de suffrages portés sur Y. Jadot voire sur J.-L. Mélenchon, signes que ces bureaux sont travaillés par des processus de changement social (rajeunissement, présence de fractions du groupe des cadres liées au pôle culturel). Enfin, la classe « Droites-3 » renvoie à des localisations dans les communes nord et est de la Métropole, de La Chapelle-sur-Erdre à Vertou, et correspond à une configuration où E. Macron est en tête, avec de légères surreprésentations des candidats plus à droite. Dans ces mondes pavillonnaires aisés, les retraités sont plus présents comme les cadres du privé, deux catégories dont les votes à droite sont classiques. La droitisation de ces espaces peut toutefois être vue comme un effet du vieillissement de leurs habitants et de la hausse de l’extrême droite dans la France de l’Ouest, là où sa marge de progression est la plus grande.
Figure 2 - Le profil socioprofessionnel détaillé des neuf classes de la typologie électorale
Sources : Recensement de la population 2017, Tabulation sur mesure à l'IRIS, INSEE (producteur), ADISP (diffuseur); Ministère de l'Intérieur, 2022.
Les codes entre parenthèse correspondent aux catégories de la nomenclature des PCS de l'INSEE en 42 postes qui ont été réagrégées
Des configurations électorales aux périphéries de l’espace politique et Métropolitain
3Au sein des communes du sud-ouest, des Sorinières au Pellerin, la classe « Périphéries-1 » est fondée sur une forte surreprésentation du vote pour M. Le Pen (15 % des inscrits, un niveau inférieur toutefois à son score national) et de candidats aux scores modestes. Cette configuration, où l’extrême droite progresse entre 2017 et 2022, renvoie aux localisations périphériques de plusieurs fractions des groupes populaires : petits indépendants ; techniciens, contremaitres et agents de maîtrise ; employés de la fonction publique ; ouvriers qualifiés. La classe « Périphéries-2 », surtout localisée dans le quart nord-ouest de la Métropole, correspond à un profil identique mais moins tranché, de sorte que les orientations électorales à l’extrême droite comme l’ancrage dans les classes populaires n’y diffèrent que peu de la moyenne locale. Quant à la classe « Périphéries-3 », les surreprésentations de M. Le Pen et N. Dupont-Aignan y sont légères, et c’est là que les candidats du PCF et du PS réalisent leurs meilleurs scores relatifs. Il s’agit d’une configuration électorale relativement stable, que l’on retrouve dans des communes historiquement marquées à gauche (Rezé, Bouguenais, Indre, Saint-Herblain), plutôt populaires mais relativement mixtes.
Plusieurs nuances de gauche dans l’espace central
4La classe « Gauches/abst-1 » est la plus tranchée, avec 29 % des inscrits qui ont opté pour le candidat LFI (14 points au-dessus de sa moyenne nationale) et 9 % pour celui d’EELV (trois fois son résultat français). Là, sur l’île de Nantes et ses pourtours gentrifiés, la moitié des habitants en âge de voter ont entre 18 et 39 ans et les catégories les plus concentrées appartiennent au pôle culturel des cadres et des professions intermédiaires. À l’image de la polarisation géographique nationale du vote pour J.-L. Mélenchon, sa concentration relative se renforce dans Nantes Métropole entre 2017 et 2022. En position de transition géographique, sociologique et politique, on retrouve la classe « Gauches/abst-2 » dans des secteurs péricentraux charnière entre quartiers gentrifiés et quartiers populaires de grands ensembles, et ses deux traits caractéristiques sont une surreprésentation moyenne du vote pour LFI et de l’abstention. Le peuplement de ces bureaux est marqué par la présence de différentes fractions des professions intermédiaires, des employés et des ouvriers. Enfin, la classe « Gauches/abst-3 » se distingue par un niveau très haut d’abstention (40 %), même si la présidentielle reste la principale élection mobilisatrice pour les classes populaires. Dans ces quartiers d’habitat social, les concentrations relatives des ouvriers peu qualifiés ou des « autres personnes sans activité professionnelle » sont parmi les plus fortes mesurées. Parmi celles et ceux qui ont voté, les scores du candidat LFI n’en restent pas moins très élevés (25 % des inscrits).
5Loin des discours sensationnalistes, cette typologie appelle à la nuance. On discute en effet de surreprésentations qui ne varient parfois que de quelques points, et ce raisonnement relativiste doit toujours s’accompagner d’une lecture en termes de rapports de force politiques.
Pour citer ce document
Jean Rivière, 2023 : « La présidentielle 2022 au microscope. Continuités et ruptures avec le paysage électoral antérieur dans la Métropole », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 09/07/2023, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=914, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.914.
Autres planches in : S'engager et prendre position
Bibliographie
Hérodote, « France 2022. Nouvelle géopolitique électorale ? », n°187, 2022.
Rivière J., « Des conglomérats électoraux et leurs bases sociales intra-urbaines. Le cas du scrutin présidentiel de 2022 dans Nantes Métropole », Politix. Revue des sciences sociales du politique, n°141, à paraître en 2023.
Mots-clefs
- paysage électoral
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- hiérarchie socioprofessionnelle
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Résumé
Pour clore le chapitre relatif à la géographie électorale, cette planche s’attache à décrire les configurations électorales observées à l’occasion du scrutin présidentiel de 2022, mais aussi à les inscrire au regard des dynamiques passées. Elle propose également de les positionner par rapport aux grands clivages sociaux qui structurent l’espace de Nantes Métropole, en saisissant les hiérarchies socioprofessionnelles grâce à une nomenclature fine.
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