Les journées des travailleur⋅ses de Loire-Atlantique : quelle diversité au-delà de l’opposition centre-périphérie ?
par Maxime Guinepain
Le jeu de données a aussi été utilisé dans le Mobiliscope afin de cartographier la répartition de la population de Loire-Atlantique au fil des heures : https://mobiliscope.cnrs.fr/fr/geoviz/nantes
Table des matières
Si l’analyse de l’Enquête Déplacements Grand Territoire (EDGT) réalisée en Loire-Atlantique en 2015 permet d’opposer au premier abord la mobilité quotidienne des travailleur·ses métropolitain·es (moins motorisé·es et se déplaçant sur de moindres distances), à celle des travailleur·ses périurbain·es (privilégiant l’automobile et parcourant plus de route), une analyse approfondie met en lumière des configurations spatiales variées, qui nuance l’opposition entre les pratiques de mobilité des habitants des centres et des périphéries.
1Les enquêtes de mobilité du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), comme l’EDGT de Loire-Atlantique, offrent une vision des déplacements des habitant·es d’un territoire. Conçues pour être représentatives de la population, elles qualifient celle-ci par des indicateurs sociaux variés, comme la catégorie socioprofessionnelle ou la composition du ménage. Les participant·es y décrivent l’ensemble des déplacements effectués la veille, selon l’heure, le mode de transport utilisé, leur motif et les lieux visités.
Une typologie des journées de travail qui reprend en apparence l’opposition centre-périphérie
2Une analyse synthétique des journées des travailleur·ses résidant en Loire-Atlantique qui prend en compte à la fois les trajets effectués, les horaires et le temps passé au lieu d’emploi (ou en dehors) fait émerger sept profils (figure 1). Les deux profils majoritaires résument assez bien une forme d’opposition entre les résident·es des agglomérations et celles et ceux des communes périurbaines. D’un côté, on observe un profil avec des « journées de grande mobilité » marquées par de longues distances parcourues (62 km) quasi systématiquement réalisées en voiture. Les travailleurs-ses de ce profil sont minoritaires (44 %) parmi les habitants des communes de densités intermédiaire ou forte, mais du fait des mouvements pendulaires, ils se rendent majoritairement (76 %) dans des communes denses ou très denses pour leur travail. De l’autre côté, on observe des « journées de mobilité locale » marquées par une moyenne de distances parcourues de 17 km seulement et un recours plus limité à l’automobile (même si 73 % de ces journées comportent encore au moins un trajet en voiture). Les travailleurs-ses de ce profil représentent une large majorité (84 %) des habitants des communes de densité intermédiaire ou forte.
3Si deux tiers des journées s’inscrivent dans ces deux profils, les autres s’en démarquent, dessinant autant de configurations intermédiaires. Ainsi, les journées « écourtées » se caractérisent avant tout par un temps de travail limité à la matinée, tandis que les journées « décalées » sont marquées par des horaires atypiques hors des heures de pointe. Elles concernent une main d’œuvre plus féminine et populaire que la moyenne. À l’inverse mais s’étalant sur des horaires plus habituels, les journées « biactives » ou « pluriactives » se distinguent par la durée ou le nombre d’activités non-professionnelles conduites hors du domicile. Elles se caractérisent soit par une plage d’activité non-professionnelle assez longue (5h15 en moyenne) qui vient s’ajouter à la journée de travail dans le premier cas, soit par la multiplication de plages plus courtes (autour de 10 lieux distincts) impliquant également de longs déplacements dans le second cas.
4Enfin, le dernier profil est un cas particulier, car les « journées de très grande mobilité » allient une journée de travail avec des distances et des temps de déplacement très longs. Il s’agit d’un profil plus rare que les journées de grande mobilité, car particulièrement coûteux (plus de 300km parcourus, près de 4h de déplacement). Les cadres y sont largement surreprésentés (44 %, soit deux fois plus que leur part dans la population du département) et ces mobilités concernent pour les deux-tiers des habitant·es des communes de densités intermédiaire ou forte où sont concentrées les classes supérieures.
Figure 1 - Typologie des journées de travail en fonction des déplacements, des volumes et des profils horaires
Source : Enquête Déplacements Grand Territoire (EDGT) réalisée enLoire-Atlantique en 2015.
La répartition des journées de la typologie dans les secteurs de résidence et d’emploi :
une opposition urbain/rural nuancée par des effets de composition
5Si l’on observe la distribution géographique des types de journées en fonction des personnes qui y habitent d’une part, et qui y travaillent d’autre part, on identifie bien une opposition nette entre des espaces de « mobilité plutôt locale» urbains et centraux, et des espaces de « plutôt grande mobilité» périurbains (figure 2). Cette géographie des types de journées fait cependant émerger deux types intermédiaires qui nuancent ce tableau, d’autant que certains types de journées se retrouvent dans tous les espaces.
6Le type « local-intermédiaire » reflète ainsi la diversité des journées de travail de l’ensemble du département. On le trouve dans la périphérie interne de Nantes Métropole, mais aussi autour de Saint-Nazaire ou dans des pôles d’emploi secondaires (comme Châteaubriant et Ancenis). À l’inverse, dans les secteurs du type « résident·es mobiles, emploi mixte», le profil des travailleur·ses résident·es se distingue de celui de la main d’œuvre qui y travaille, dont la mobilité est plus locale. La prise en compte de l’emploi périurbain permet d’y distinguer des profils que les mouvements pendulaires vers le centre métropolitain pouvaient occulter. De plus, les journées « écourtées » et « décalées », qui concernent avant tout des salarié·es des classes populaires, mais aussi les journées « de grande mobilité », plutôt propres à des hommes cadres ou chefs d’entreprise, concernent dans des proportions proches les populations et la main d’œuvre des quatre types de secteurs, ce qui rappelle l’importance d’articuler le contexte spatial avec les caractéristiques sociales des travailleur·ses pour comprendre leurs déplacements.
Figure 2 – Une lecture spatiale de la typologie des journées de travail qui se superpose avec la hiérarchie urbaine de la Loire-Atlantique
Source : Enquête Déplacements Grand Territoire (EDGT) réalisée enLoire-Atlantique en 2015.
Pour citer ce document
Maxime Guinepain, 2024 : « Les journées des travailleur⋅ses de Loire-Atlantique : quelle diversité au-delà de l’opposition centre-périphérie ? », in F. Madoré, J. Rivière, C. Batardy, S. Charrier, S. Loret, Atlas Social de la métropole nantaise [En ligne], eISSN : 2779-5772, mis à jour le : 26/03/2024, URL : https://asmn.univ-nantes.fr/index.php?id=979, DOI : https://doi.org/10.48649/asmn.979.
Autres planches in : Habiter et se déplacer
Bibliographie
Berroir Sandrine, Delage Matthieu, Fleury Antoine, Fol Sylvie, Guérois Marianne, Maulat Juliette, Raad Lina et Vallée Julie (2017). « Mobilité au quotidien et ancrage local dans les espaces périurbains ». Annales de géographie, vol. 2017/1, n° 713, p. 31‑55. DOI : 10.3917/ag.713.0031
Cerema (2021). Les enquêtes mobilité certifiées Cerema, EMC² : principes méthodologiques, Lyon : Cerema Territoires et villes (coll. « Références »).
Grimal Richard (2012). « Des mobilités plus homogènes ou plus diversifiées ? ». Économie et statistique, vol. 457, n°1, p. 13-34. DOI : 10.3406/estat.2012.9962
Mots-clefs
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Résumé
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